Communiqué de presse

La gestion de la crise du Covid 19 du point de vue de la profession infirmière; le torrent qui fait déborder l’océan

Bruxelles, le 07 mai 2020. – Deux nouveaux Arrêtés Royaux (AR) ont été publiés au Moniteur Belge ce 4 mai 2020. Le premier concerne la réquisition des professionnels des soins de santé et le second l’exercice de l’art infirmier par des professionnels de soins de santé non qualifié.

Les associations professionnelles infirmières représentent et défendent les praticiens de l’art infirmier. Depuis 2013, 46 d’entre elles se sont rassemblées au fur et à mesure sous la coupole de l’Union Générale des Infirmiers de Belgique (UGIB) afin d’unir leur voix et de faire entendre les besoins des professionnels.

Se faire entendre, être consulté n’est déjà pas chose aisée en temps normal, alors qu’en est-il en temps de crise ?

Le bilan est simple, nous ne sommes que peu ou pas entendus, nous ne sommes que peu ou pas consultés, nous ne sommes que peu ou pas informés. Et ce, bien que depuis le début de la crise du Covid-19, l’UGIB ainsi que plusieurs associations se soient manifestées, auprès des différentes structures politiques et entités fédérées, en donnant leurs visions et avis constructifs sur la gestion de la crise ainsi que sur les besoins des professionnels qu’ils représentent dans tous les secteurs d’activités (hôpitaux, MR-MRS, soins à domicile …).

Notre dernier courrier demandait un avenir meilleur qui offre des perspectives et des garanties à nos professionnels, un avenir où les professionnels puissent enfin être reconnus comme incontournables face aux enjeux de santé publique et à l’évolution des soins de santé… mais quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre récemment la publication expresse de deux arrêtés royaux concernant notre profession, et ce, sans une réelle concertation et information correcte du secteur. Ceci est donc vécu comme une véritable gifle dans le visage d’une profession qui, depuis le début de la crise,  est au front et mise à mal.

Si certains éléments de ces AR trouvent leur justification au regard de la crise, ils nécessitent d’être expliqués, précisés, amendés. Le flou autour des modalités d’application fait craindre le pire pour une profession qui se sent peu valorisée, peu reconnue et qui se voit banalisée, tant il serait « apparemment » facile de transférer des connaissances à d’autres professionnels de la santé, alors que toutes les études démontrent, entre autres, qu’en fonction du nombre d’infirmiers présents au chevet du patient et de leur niveau de qualification, le taux de mortalité diminue. Une profession où les cicatrices historiques des mesures transitoires (brevet infirmier) sont toujours bien présentes et ne sont toujours pas résolues.

Une fois encore, la méthode n’est pas la bonne, et nous ne pouvons rester à attendre et à ne rien dire. Malheureusement (ou heureusement), nous ne pouvons pas nous arrêter, nous ne pouvons pas jeter les armes, car la garantie de la continuité de prise en charge des patients, résidents ou autres prime et reste notre mission première… mais aujourd’hui la coupe est pleine et nous demandons à être entendus, reconnus et qu’une politique structurelle soit définie sur le long terme afin d’offrir des perspectives meilleures qui ne s’arrêteront pas après la crise avec les applaudissements.

Une fois encore, les motivations qui nous poussent à agir sont bien de garantir la sécurité de nos professionnels de santé, la qualité et la continuité des soins pour les patients ainsi que la pérennité du système sanitaire, tant tous ces éléments sont mis à mal. Il n’est pas normal encore à ce jour que :

  • la problématique de la disponibilité et de la conformité du matériel de protection ne soit pas résolue ;
  • les informations communiquées entre les différents organes et entités ne soient pas cohérentes ;
  • la politique de dépistage ne soit pas claire et opérationnelle ;
  • l’encadrement en personnel fasse toujours défaut ;
  • le plan de déconfinement n’ait pas été travaillé avec la profession ;
  • la nomenclature ne soit pas encore en cohérence avec la réalité de terrain et le coût réel des prestations en tenant compte du risque représenté par celles-ci ;
  • les professionnels qui sont exposés de manière récurrente aux patients Covid 19 ne soient pas valorisés ;
  • un cadastre réel des praticiens de l’art infirmier toujours actifs avec la disponibilité du lieu d’activité et du secteur d’activité ne soit pas disponible ;
  • notre mémorandum, accompagné d’un nouveau plan d’attractivité, ne  soit pas soutenu par un entérinement politique par :
    • des normes d’encadrement de qualité pour des soins de qualité dans tous les secteurs des soins infirmiers ;
    • une différenciation des fonctions équitable et correctement financée avec la poursuite et l’amélioration des travaux IFIC ;
    • des moyens de formation (y compris la formation continue) adéquate et de qualité, avec des objectifs précis à court et à moyen terme ;
    • une meilleure structuration/coordination des activités infirmières (intra et extrahospitalières) ;
    • Une représentation réelle et équilibrée de la profession infirmière dans tous les organes qui la concernent ;
    • un meilleur financement, notamment de la recherche, la formation, l’éducation des patients, la coordination, et les activités de promotion de la santé ;
    • des moyens (temps, matériel, salaire, valorisation) pour une pratique de qualité et une qualité de vie au travail ;
      • la reconnaissance de la pénibilité de la profession infirmière ;
    • une réelle considération de notre volonté de soutien et d’expertise.

Pour conclure, nous souhaitons également attirer l’attention de tous, à l’heure où nous parlons du déconfinement et de la préparation à une deuxième vague, que les premiers résultats d’études récentes montrent que les professionnels infirmiers ont un risque de burn-out élevé avec un épuisement émotionnel bien marqué et renforcé par les points cités précédemment. Dès lors, une vague à craindre, et qui sera peut-être la prochaine, est bien celle d’un secteur en souffrance qui s’effondre, qui ne se sent pas entendu, reconnu et valorisé, et pour lequel la relève se déforce à chaque année académique.

Ce communiqué de presse est rédigé conjointement au nom du président fédéral et des présidents des chambres francophones, germanophones de l’Union Générale des Infirmiers de Belgique (AUVB-UGIB-AKVB) :

  • Paul Sonkes – président fédéral AUVB-UGIB-AKVB
  • Daniel Schuermans – vice-président fédéral AUVB-UGIB-AKVB
  • Adrien Dufour – président de la chambre francophone UGIB
  • Josiane Fagnoul – présidente de la chambre germanophone AKVB